Une convention fiscale : qu’est-ce que c’est ?
Il est devenu très facile de traverser les frontières. De partir travailler, investir ou créer une entreprise dans un autre pays. Dans ce contexte, les États ont dû prendre des dispositions concernant la fiscalité internationale. Car si vous opérez dans plusieurs pays, que vous soyez une personne physique ou morale, vous pourriez risquer d’être imposé plusieurs fois. Pour éviter ce problème mais aussi pour prévenir l’évasion fiscale, les États ont recours à des conventions fiscales bilatérales.
La convention signée entre la France et les Émirats arabes unis fonctionne sur cette logique. Elle a certes officiellement pour objectif de vous protéger contre la double imposition. Mais compte tenu de la quasi-absence d’impôts directs aux EAU, le but principal est surtout d’éviter la fraude et l’évasion fiscales.
La convention vient donc fixer des critères précis de résidence fiscale. Et définir les modalités d’imposition des différents types de revenus : revenus immobiliers, bénéfices des entreprises, dividendes, etc.
Les bases de la convention fiscale France – Émirats
C’est en 1989 que la France et les Émirats arabes unis ont signé une convention fiscale bilatérale. Modifiée en 1993, elle est toujours en vigueur aujourd’hui. Vous l’avez bien compris, son but est que vous ne puissiez pas vous soustraire aux impôts que vous devez.
En fait, tout dépend de votre résidence fiscale. C’est ce critère qui détermine quel pays a le droit de vous imposer.
Mais attention, il ne faut pas confondre résidence fiscale et expatriation. Car ce n’est pas parce que vous vivez à Dubaï que vous y êtes forcément résident fiscal.
La convention franco-émiratie fixe des règles très précises à ce sujet.
Les critères qui déterminent la résidence fiscale
Où est donc votre résidence fiscale ? Pour le déterminer, la convention établit une hiérarchie de critères.
Critères pour être résident fiscal des Émirats arabes unis
Depuis le 1er mars 2023, les Émirats ont adopté de nouvelles règles en la matière. Pour être considéré comme résident fiscal aux EAU, vous devez remplir au moins une de ces conditions :
- Être citoyen émirati, résident permanent ou ressortissant du Conseil de Coopération du Golfe, avec une présence physique d’au moins 90 jours sur 12 mois consécutifs, associée à un lieu de résidence permanent ou à une activité professionnelle aux EAU;
- Avoir une présence physique de 183 jours minimum sur une période de 12 mois consécutifs;
- Avoir son lieu de résidence principal et le centre de ses intérêts économiques aux Émirats.
Critères pour être résident fiscal français
Vous pourriez aussi être considéré comme résident fiscal français.
Pour ça, l’administration française prend en compte trois critères principaux. Premièrement, avoir son foyer ou son lieu de séjour principal en France, c’est-à-dire y habiter de manière habituelle et permanente, que ce soit seul ou avec son conjoint et ses enfants. Deuxièmement, exercer son activité professionnelle principale en France, en y consacrant la majeure partie de son temps de travail. Enfin, avoir le centre de ses intérêts économiques en France, ce qui signifie que les revenus de source française sont supérieurs aux revenus de source étrangère.
Mais que se passe-t-il si vous répondez aux critères français et émiratis ?
Des règles de départage fixées par la convention fiscale
En cas de conflit de résidence, c’est la convention fiscale qui tranche avec des « règles de départage ».
Ces règles s’appliquent dans un ordre précis et hiérarchisé.
En premier lieu, votre résidence sera considérée comme étant dans le pays où vous disposez d’un foyer d’habitation permanent. Si vous avez un foyer permanent dans les deux États, on examinera votre centre des intérêts vitaux. Il s’agit de déterminer avec quel pays vous entretenez les liens personnels et économiques les plus étroits (présence de votre famille, lieu de vos activités professionnelles, localisation de vos principaux investissements…).
Si le doute persiste, on regardera votre lieu de séjour habituel, c’est-à-dire l’État où vous séjournez le plus fréquemment. Ensuite, le critère de la nationalité primera : vous serez résident de l’État dont vous êtes le ressortissant.
Enfin, si malgré l’application de ces critères successifs, votre situation est toujours ambigüe, ce sont les autorités compétentes des deux pays qui trancheront d’un commun accord.
Quelles règles pour les personnes morales ?
Les règles de résidence fiscale s’appliquent également aux personnes morales, qui sont des sociétés et autres entités juridiques. Mais les critères diffèrent de ceux applicables aux personnes physiques. La notion importante pour les entreprises est la notion d’établissement stable. Elle permet de déterminer où leurs bénéfices seront imposés.
Selon la convention fiscale franco-émiratie, un établissement stable est caractérisé par une installation fixe d’affaires à partir de laquelle l’entreprise mène tout ou partie de son activité. Cela peut être un siège de direction, une succursale, un bureau, une usine, un atelier, etc.
Par contre, tous les lieux d’activité ne constituent pas forcément un établissement stable. Par exemple, si l’usage des locaux est limité à du simple stockage, de la livraison de marchandises, ou à des activités préparatoires, on ne parlera pas d’établissement stable. De même, le fait de faire appel à un intermédiaire indépendant comme un courtier ou un commissionnaire pour exercer son activité dans un pays ne suffit pas à y créer un établissement stable.
Enfin, une société n’est pas considérée comme ayant un établissement stable dans un pays du simple fait qu’elle contrôle ou est contrôlée par une société qui y est résidente.
Les règles d’imposition fixées par la convention franco-émiratie
Une fois que les principes de résidence fiscale et d’établissement stable sont fixés, reste à savoir où vous allez payer vos impôts.
Mesures qui concernent les personnes physiques
Entre la France et les Émirats arabes unis, vous ne serez pas logé à la même enseigne selon quel pays vous impose. N’oubliez pas qu’il n’existe pas d’impôts sur les revenus aux EAU. Être imposable à Dubaï est donc une très belle opportunité !
Revenus du travail
Côté revenus du travail, le principe est simple : ils sont imposés dans votre pays de résidence. Mais, si vous travaillez dans l’autre pays, vos salaires y seront taxés. Une exception notable concerne les pensions des fonctionnaires français vivant aux Émirats : elles restent imposables en France si elles sont versées par un organisme français.
Revenus des indépendants
Pour les indépendants, c’est votre résidence qui prime aussi. Sauf si vous avez une base fixe dans l’autre pays pour votre activité.
Dividendes
Les dividendes que vous recevez depuis une société située dans un pays sont en général imposés uniquement dans votre pays de résidence. Mais bien sûr, il y a des exceptions ! Si ces dividendes sont liés à un établissement stable que vous avez dans l’autre pays, ils pourront y être taxés.
Royalties (redevances)
Les royalties que vous percevez depuis un pays sont elles aussi généralement imposées dans votre seul pays de résidence. Mais comme pour les dividendes et intérêts, elles pourront être taxées dans l’autre pays si elles sont liées à une activité que vous y exercez via un établissement stable.
Revenus immobiliers
Pour les revenus immobiliers, c’est la localisation du bien qui compte, et non votre résidence. Ils seront donc imposés dans le pays où se situe l’immeuble. Ainsi, pour un résident des Émirats, les revenus immobiliers de source française seront imposables uniquement en France.
Gains en capital sur biens immobilier
Même logique pour les plus-values immobilières : elles sont taxées dans le pays où se trouvent les biens, indépendamment de votre lieu de résidence.
Gains en capital sur biens mobiliers (actions…)
Pour les plus-values sur titres ou autres biens mobiliers, la règle diffère. Si vous êtes résident des Émirats, ces gains ne seront imposés en France que s’ils sont liés à une activité professionnelle que vous exercez en France.
Pensions et rentes
Concernant les pensions, celles des ex-fonctionnaires français vivant aux Émirats restent imposables en France si elles sont payées par un organisme français. En revanche, les pensions versées par un organisme émirati seront taxées (à 0% du coup) aux Émirats.
Mesures qui concernent les sociétés
Pour les sociétés également, il est très intéressant d’être résident fiscal aux Émirats arabes unis. Puisque jusqu’à 375 000 AED de bénéfices vous n’êtes pas imposable. Au-delà vous serez taxé à 9 %.
Bénéfices des entreprises
Le principe est que les bénéfices d’une entreprise française ne sont imposables qu’en France. Cependant, si l’entreprise française possède un établissement stable aux Émirats arabes unis et y exerce une activité, alors les bénéfices attribuables à cet établissement stable seront imposables aux Émirats, et non en France.
Dividendes
Lorsqu’une société émiratie verse des dividendes à une société française, ces dividendes sont exonérés de retenue à la source aux Émirats et imposés en France. Mais là encore, il y a une exception : si ces dividendes sont rattachés à une activité que la société française exerce aux Émirats via un établissement stable, ils pourront être taxés aux Émirats.
Intérêts
Prenons le cas d’une société française qui perçoit des intérêts provenant des Émirats arabes unis. En principe, ces intérêts ne seront imposables qu’en France, c’est-à-dire dans le pays de résidence de la société qui les reçoit.
Cependant, si la société française qui reçoit ces intérêts possède un établissement stable aux Émirats et y exerce une activité, alors une distinction sera faite. Les intérêts qui ne sont pas liés à l’activité de cet établissement stable resteront imposables uniquement en France.
Mais les intérêts qui sont générés par l’activité de cet établissement stable aux Émirats pourront être imposés aux Émirats, en plus de l’imposition en France.
Royalties (redevances)
Les redevances provenant des Émirats et payées à une société française suivent un principe similaire : elles sont en général imposables en France. Mais elles pourront être taxées aux Émirats si elles se rattachent à une activité que la société française y exerce via un établissement stable.
Vous l’aurez compris, bénéficier de l’imposition émiratie n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Malgré les avantages fiscaux indéniables qu’offrent les Émirats arabes unis, il peut être assez difficile de remplir les conditions nécessaires pour en profiter pleinement.
Zoom sur les avantages de la convention pour vos revenus immobiliers
Vous possédez des biens immobiliers en France mais vous envisagez de devenir résident fiscal aux Émirats arabes unis ?
Même si vous remplissez les critères de résidence fiscale aux Émirats, vos revenus immobiliers de source française resteront imposables en France. Et ce principe s’applique aussi si vous détenez des parts de sociétés immobilières vous donnant la jouissance du bien.
Et si vous souhaitez investir dans l’immobilier à Dubaï ou ailleurs aux EAU ?
Dans ce cas, la convention fiscale franco-émiratie a de sérieux avantages. En effet, les revenus issus de vos biens immobiliers situés aux Émirats seront exonérés d’impôt en France. Et comme les revenus immobiliers ne sont pas taxés aux Émirats, c’est un excellent calcul.
Cependant, même si ces revenus sont exonérés en France, n’oubliez pas que vous devrez tout de même les déclarer à l’administration fiscale française. Car ils seront pris en compte pour déterminer votre taux d’imposition. Cette règle permet d’appliquer un barème qui tient compte de l’ensemble de vos revenus, y compris ceux qui sont exonérés. Et ils sont également pris en compte pour le calcul de l’IFI, l’impôt sur la fortune immobilière.
Investir dans l’immobilier aux Émirats peut donc être une stratégie fiscale intéressante si vous devenez résident fiscal émirati. Vous pourrez ainsi bénéficier d’une exonération totale en France sur ces revenus immobiliers, tout en profitant de l’absence d’imposition aux Émirats.
Autres informations importantes à connaitre
Devenir résident fiscal aux Émirats arabes unis ne vous dispense pas de toute obligation envers l’administration fiscale française. Il y a des règles que vous devez connaître, que vous soyez un particulier ou une société. Sinon attention aux risques.
Pour vous aider à y voir plus clair, nous répondons à toutes vos questions…
Quelles sont les obligations déclaratives en France pour les personnes physiques résidant aux EAU ?
Les personnes physiques résidant aux EAU doivent remplir chaque année la déclaration de revenus (formulaire 2042) si leur domicile fiscal est en France. Les revenus de source française, comme les revenus immobiliers, doivent être déclarés en France, même en cas de résidence fiscale aux EAU.
Les sociétés résidentes des EAU doivent-elles déclarer leurs revenus en France ?
Oui, les sociétés résidentes des EAU ayant un établissement stable ou une activité imposable en France doivent y déclarer et payer l’impôt sur les sociétés. Elles doivent respecter les obligations déclaratives françaises pour leurs revenus de source française.
Existe-t-il un impôt sur le revenu pour les particuliers aux Émirats Arabes Unis ?
Non, il n’y a pas d’impôt sur le revenu pour les particuliers aux Émirats Arabes Unis. Les personnes physiques n’ont donc pas de déclaration de revenus à faire aux EAU. Cependant, elles peuvent demander un certificat de résidence fiscale au ministère des Finances des EAU si nécessaire.
Quels documents sont requis pour obtenir un certificat de résidence fiscale aux EAU en tant que personne physique ?
Pour obtenir un certificat de résidence fiscale aux EAU en tant que personne physique, vous devrez fournir plusieurs documents : votre passeport, votre visa, votre contrat de location aux EAU, des relevés bancaires attestant de votre activité dans le pays, et éventuellement votre contrat de travail si vous y êtes salarié.
Les sociétés aux EAU sont-elles soumises à l’impôt sur les sociétés ?
Oui, depuis juin 2023, les sociétés avec plus de 375 000 AED de bénéfices sont soumises à un impôt sur les sociétés de 9%, sauf si elles sont installées dans des zones franches. Elles doivent procéder à un enregistrement fiscal et effectuer les déclarations et paiements nécessaires auprès de l’administration fiscale émiratie
Quelles sont les conséquences pour un expatrié aux EAU qui ne respecterait pas les critères de résidence fiscale française ?
Un expatrié aux EAU qui ne respecterait pas les critères de résidence fiscale française (foyer, activité professionnelle ou centre des intérêts économiques en France) pourrait se voir imposer en France comme s’il était résident fiscal français, malgré sa résidence émiratie au sens de la convention. Il perdrait alors le bénéfice des avantages prévus par la convention.
Que risque-t-on en cas de non-respect de la convention fiscale franco-émiratie ?
Le non-respect de la convention peut entraîner la remise en cause par l’administration fiscale française des exonérations ou avantages fiscaux prévus par celle-ci, comme l’exonération de certains revenus de source émiratie ou l’imputation de l’impôt émirati. Le contribuable devra alors s’acquitter de l’impôt français normalement dû, avec d’éventuelles pénalités et intérêts de retard.
Quelles sont les sanctions applicables en cas de défaut ou retard de déclaration ?
En cas de défaut ou retard dans le dépôt des déclarations fiscales prévues par la convention, des sanctions sont applicables selon l’article 1728 du Code général des impôts : majoration de 10% en l’absence de mise en demeure, 40% si dépôt plus de 30 jours après mise en demeure, 80% en cas d’activité occulte. Des amendes forfaitaires ou proportionnelles peuvent aussi s’appliquer.
Que se passe-t-il en cas de contrôle fiscal portant sur l’application de la convention ?
En cas de contrôle fiscal, vous devez pouvoir justifier de votre situation au regard de la convention : documents prouvant la réalité de la résidence fiscale aux EAU, cohérence entre les déclarations françaises et émiraties, respect des obligations déclaratives dans les deux pays… La coopération entre administrations fiscales peut jouer.
Qu’encourt-on en cas de fraude fiscale visant à éluder l’impôt français en utilisant abusivement la convention ?
En cas de fraude fiscale avérée (dissimulation de revenus, organisation d’insolvabilité…), des sanctions pénales très lourdes sont encourues selon l’article 1741 du Code général des impôts : jusqu’à 7 ans d’emprisonnement et 3 millions d’euros d’amende. Alors mieux vaut ne prendre aucun risque. Respectez la convention et vos obligations déclaratives et tout se passera bien.
Malgré ces quelques contraintes, devenir résident fiscal aux Émirats arabes unis présente de sérieux avantages. Bienvenue dans un pays où la pression fiscale est quasi inexistante. Quel changement !
Mais au-delà même de cet aspect, Dubaï et les autres émirats sont des lieux de vie privilégiés. Ce n’est pas pour rien que les EAU attirent de plus en plus d’expatriés du monde entier. Le dynamisme économique, la qualité des infrastructures, la sécurité et le cadre exceptionnel en font une destination de choix pour s’établir à moyen ou à long terme.